Il y a quelque chose de magique dans la première quinzaine du mois d’août à Paris. Au bureau il y a ce je ne sais quoi qui rappelle un peu les quinze derniers jours avant les grandes vacances à l’école, une fois que le conseil de classe etait passé, quand il n’y avait plus grand monde et plus tellement d’enjeu non plus.
Déjà on est plus vraiment obligé de mettre une cravate, ensuite on peut sur un coup de tête partir à 16 heures sans que l'indice Euronext ne bronche. On peut passer plus de temps que de raison à la machine à café avec des collègues rieurs (pour peu, bien sur, qu’on ait à sa disposition des collègues rieurs) ou bien alors se livrer à des occupations inouïes, inimaginables le reste de l’année, comme par exemple ranger son bureau ou faire du ménage sur son disque dur sans être interrompu par le moindre coup de fil. De temps en temps un mail vient s'échouer dans la messagerie, le plus souvent une notification d'absence, réponse automatique à un message envoyé le matin, unique production électronique de la journée.
La première quinzaine d’août à Paris, on aime s’étonner qu’il puisse exister le long des trottoirs des places de stationnement non occupées, ou des banquettes entières inoccupées dans le métro le matin.
La première quinzaine d’août a Paris, on trouve excitant de pouvoir traverser la rue Réaumur sans même se soucier que le petit bonhomme soit vert ou rouge.
La première quinzaine d’août à Paris, on aime errer sans but dans la ville, se poser sur les chaises en fer à coté du bassin aux canards du jardin des Tuileries et écouter le presque grondement de la ville autour.
Il faut se rendre à l’évidence, ils sont partis. Ils ont troqué les bouchons de la N118 du matin contre ceux de la route qui revient de la mer en fin d’après midi. Ils ont abandonné la densité improbable des rames de la ligne 13 pour une densité voisine sur la grande plage. Je suis d'ailleurs étonné que la promiscuité estivalle ne conduise pas plus souvent à des meurtres au parasol : "Désolé Madame, mais compte tenu de l’inclinaison du soleil, le thorax de votre mari était l’emplacement le plus favorable pour que le petit reste à l’ombre". Ils en avaient marre de la queue à la caisse du Franprix le lundi en rentrant de week-end, ils attendent maintenant sagement dans la file d’attente du super U le samedi car Ils sont tous arrivés le samedi à cause du début de la location.
Quand, trop tôt, arrive la seconde quinzaine du mois d’août à Paris, on s’étonne de voir circuler de nouveau des voitures, de ne pas deviner de place de stationnement disponible. Parfois on aimerait qu’ils ne rentrent jamais, on aimerait ne jamais remettre de cravate, pouvoir passer plus de temps à la machine à café avec des collègues rieurs et aussi que l’on démonte tous les feux de la rue Réaumur devenus inutiles.