Il y a très longtemps l’homme avait une fourrure épaisse qui lui permettait de ne pas attraper froid quand il allait chasser le lion des cavernes. Et puis l’homme a inventé la veste en tweed et un peu plus tard le jeans slim et il n’a plus eu besoin de tous ces poils. L’évolution et Darwin ont fait leur travail et l’homme est peu à peu devenu plus ou moins glabre. La nature est ainsi faite que ce qui ne sert pas disparaît en quelques centaines de générations.
Il est donc probable que, dans quelques centaines de générations, l’homme aura un cerveau rétréci et sera incapable de mémoriser un numéro de téléphone. Il est également vraissemblable qu’il ne se rappelle même pas qu’on ait pu connaître un numéro de téléphone par cœur.
Il possèdera un très mauvais sens de l’orientation et quand par malheur il aura égaré son GPS il lui sera très difficile de trouver son chemin vers le petit meuble sur le dessus duquel il l’aura oublié.
Il y a dans la vie des petits plaisirs tout simples comme par exemple sentir l’odeur de l’herbe après la pluie, rêvasser devant un feu de cheminée, se réveiller tôt le premier matin quand on est arrivé la veille à New York, manger le quignonde la baguette encore chaudeen revenant de la boulangerie, acheter des bonbons avec la monnaie du pain,se rendormir le dimanche matin ouallumer la télé par hasard à l’hôtel à New York et redécouvrir un épisode de Seinfeld déjà vu dix fois.
Et puis il y a les petits plaisirs égoïstes et mesquins qui sont le ressort de cette série, parmi eux rire de quelqu’un qui se fait mal en s’asseyant à coté de sa chaise, se moquer de ce passant qui se fait copieusement éclabousser par le bus après la puie, s’amuser de la fermeture des portes du métro sur le nez de ce passager qui a couru sur le quai dans l’espoir d’attraper la rame au vol, prendre la dernière baguette chez le boulanger ou bien se moquer des petites vieilles aux cheveux violets qui sortent de chez le coiffeur chaque jeudi.
Un autre petit plaisir que j’aime bien est de terminer l’écriture d’un billet avant que le lecteur ait pu voir venir le commencement d’une chute.
Je me suis livré cette semaine à une révision dentaire.
Non pas que j’ai décidé de reprendre mes études afin de pouvoir ensuite m’enrichir honteusement en anesthésiant, curant, forant, les mâchoires des gens avant de les équiper de magnifiques couronnes aux prix obscènes, contribuant ainsi tout à la fois à la croissance du marché mondial de la céramique haute gamme et au financement de ma future voiture de sport à la consommation excessive, non j’ai simplement trouvé le courage suffisant pour aller me livrer à mon dentiste afin qu’il opère une visite annuelle de contrôle qui par manque de courage et de temps était cette année une visite biennale.
Je déteste aller chez le dentiste. Pendant longtemps je ne trouvais la motivation de lui rendre visite que dans la perte d’un bout de dent ou l’apparition d’une violente douleur à la mâchoire. Et puis avec le temps j’ai compris, que plus on lui rend visite et moins on a besoin de lui rendre visite pour de gros travaux.
Je m’astreins donc à lui faire inspecter ma dentition de façon à peu près régulière.
En fait chez le dentiste le meilleur moment c’est le détartrage car quand le dentiste se lance dans l’attaque vibrante de tous les interstices de votre cavité buccale, c’est que tout va bien et qu’il n’est pas question de planifier huit séances de torture consécutives à la détection d’une anomalie.
Seulement voilà, le détartrage c’est aussi le pire moment. Cette pointe qui vibre et se glisse dans un bain de sang entre la dent et la gencive, ce bruit strident qui raisonne dans toute la tête, et cette certitude que lorsque l’on va refermer la bouche la gencive du haut se retrouvera au contact de la gencive du bas par suite de la dissolution totale à haute fréquence de chacune de vos dents.
C’est au moment du détartrage que j’ai réalisé que quand je suis chez le dentiste je garde les yeux fermés tout au long de la séance.
Ca a un coté terriblement rassurant de fermer les yeux.
Ce qui est amusant c’est que j’ai a tendance à fermer les yeux dans les moments désagréables : le dentiste, le train fantôme, le métro quand il est bondé mais aussi dans les moments agréables : le shampoing chez le coiffeur, en écoutant de la musique, la sieste et deux ou trois autres trucs aussi.
Parfois on ferme les yeux et ça n’a rien à voir comme par exemple quand on éternue. Je me suis souvent demandé pourquoi il était impossible de ne pas fermer les yeux quand on éternue.
Par chance, je n’ai jamais eu envie d’éternuer pendant un détartrage. D’un coté ce n’est pas très gênant car a ce moment là on a déjà les yeux fermés. Par contre, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que ça n’est pas une très bonne idée.
Dans une entreprise internationale, on interagit avec des gens du monde entier (je ne suis d'ailleurs pas loin de penser que c’est pour cela qu'on les qualifie d'internationales).
Cela pose parfois des problèmes en ce qui concerne le nom des gens.
Quand on contacte par mail un japonais qu’on ne connaît pas, il est mal venu de l’appeler par son prénom (de façon générale, il est très malpoli d’appeler un japonais par son petit nom, même si on le connaît bien, ou alors il faut qu’il soit suffisamment saoul pour ne pas s’en rendre compte).
Seulement voilà, vu d’ici rien ne ressemble plus à un prénom japonais qu’un nom de famille japonais (ou même un nom de ville ou de plat japonais d’ailleurs ; les menus japonais, eux, se distinguent parfaitement bien du fait qu’ils sont le plus souvent construits à l’aide d’une lettre et d’un chiffre, exemple : " Je vais prendre le menu E4 avec une bière japonaise".
J’ai notamment appris à mes dépends et après avoir froissé une bonne partie du bureau de Tokyo queFuruashi n’était pas du tout un prénom, queYoshiaki n’était pas un nom de famille, et que Etsuko était plutôt un prénom que l’on donne aux filles.
Cela dit il n’y a pas besoin d’aller aussi loin pour avoir des difficultés patronymiques. Prenons par exemple notre Secrétaire d’Etat aux droits de l’homme : Rama Yade. Et bien j’ai longtemps cru que Ramayade était tout attaché, que c'était juste son prénom et que tout le monde l’appelait ainsi parce qu’elle était toute jeune.
Au passage, j'avais depuis longtemps l’impression d'avoir déjà entendu ce prénom quelque part et je me demandais d'où venait le caractère familier de ce petit nom qui n'en est pas un.
Et puis l’autre jour, en rangeant ma collection de mp3, j’ai trouvé ça.
Titre incontournable des années 70 dont on aura pris soin de garder le titre secret afin de préserver au lecteur un effet de surprise visant à produire un effet comique.
J’ai toujours trouvé étrange cette pratique qui consiste , lorsque l’on est chanteur, à faire semblant de chanter sous prétexte que ça ne se voit pas.
On pourrait croire que ce procédé honteux n’est utilisé que par les chanteurs de variétés qui préfèrent passer du temps à se droguer et à dîner à l’œil dans des restaurants à la mode plutôt que d’apprendre par cœur les paroles de leurs chansons.
Il n’en est rien.
Ainsi nombreux sont les plombiers qui font semblant de réparer une fuite afin que celle-ci empire et que vous faisiez de nouveau appel à eux en les suppliant d’effectuer des travaux de réparation de grande envergure contribuant ainsi à la progression obscène de leur marge brute.
Plus proche de nous dans le monde du travail, nous connaissons tous des gens qui font semblantde travailler en prenant un air affairé alors qu’ils passent la journée à jouer au démineur à l'abri de leur écran 17 pouces.
S’il est temps de dénoncer ces pratiques odieuses qui noyautent l’économie entière et freinent la croissance mondiale, il faut cependant reconnaître que la pratique du playback est quand même assez pratique lorsqu’on se trouve par hasard dans une église et qu’on ne connaît pas les paroles de chansons.
Je ne sais pas pourquoi depuis bientôt vingt ans, les établissements Carte Noire essaient de nous vendre du café à grand renfort de sensualité. Je veux bien qu’on tente de nous déclencher des pulsions d’achat de Champagne, de parfum ou des capotes à coup de je t’allume d’un regard de braise, je te cherche, je t’attrape mais il me semble que ce procédé est moyennement adapté pour faire progresser les ventes de café moulu (et je tiens à le dire, pas non plus celles des yaourts natures).
Pourtant depuis bientôt vingt ans, le scénario de cette pub qui nous est assénée en access prime time et aussi à chaque fois que l’on se rend au cinéma est le même : lui est beau comme un Dieu, à demi nu, elle est en robe du soir, ils se font un petit café puis il s’approche d’elle, la renifle. Elle lui sourit, il dégrafe sa robe puis ils niquent férocement pendant que la caméra détourne notre regard vers la tasse fumante lascivement abandonnée sur la table de nuit.
Je ne sais pas si cette pub fait vendre beaucoup de café, par contre ce que je sais, c’est que l’haleine de quelqu’un qui vient d’avaler un café n’a rien de sensuel.
Je suis souvent surpris au moment de Noël de la frénésie avec laquelle les employées des Galeries Lafayette s’escriment à retirer le prix des articles avant de les emballer avec maladresse et sans enthousiasme dans de jolis paquets cadeaux.
Je me suis souvent demandé d’où venait cette coutume un peu dérisoire de faire disparaître à tout prix celui d’un objet que l’on s’apprête à offrir.
L’arrachage du coût d’un futur cadeau est dans l'esprit de chacun un truc imparable : bien malin celui qui arrivera à deviner l’ordre de grandeur du prix d’un cd ou d’un dvd une fois qu’on en aura retiré l’étiquette blanche et verte.
Certaines personnes dérogent parfois à cette règle. Ainsi le mari offrant a sa femme une jolie bague lui glissera parfois un "tu vois ma chérie, elle m’a vraiment coûté la peau du cul ta bague" et ne tardera pas à se prendre une gifle. Pourtant, si le même mari rapporte la même bague à la même femme et accompagne ce cadeau d’un "elle m’a vraiment pas coûté cher du tout cette bague ma chérie, une vraie affaire" il se prendra également un baffe.
Notre culture judéo-chrétienne est ainsi : on ne dit pas le prix des choses qu’on offre. Pourtant à quelques milliers de kilomètres d'ici, au Japon, s'esbaudir devant un cadeau en s’émerveillant de ce qu’il coûte sans doute beaucoup d’argent est un comportement poli. Ceci est d’autant plus étonnant que le plus souvent cette remarque est faite sans déballer le cadeau, car au japon il est déplacé d’ouvrir son cadeau devant celui qui vous l’a offert.
Quand j’étais petit j’avais très peur de la fin du monde. J’avais entendu qu’il arriverait un jour ou le soleil s’éteindrait, rendant impossible toute vie sur terre et qu’avant ça il deviendrait énorme et brûlerait tout sur terre, un peu comme le grille-pain le matin quand on a mal réglé le thermostat et qu’on a oublié une tartine à l’intérieur pendant qu’on est parti prendre sa douche, mais en pire.
Plus tard, je découvrais la bombe atomique (enfin c’est pas moi qui ai découvert la bombe atomique mais disons qu’il y a un âge où, je ne sais plus trop comment, j’ai découvert son existence) et sa capacité à nous faire basculer dans l’ère des insectes et je faisais parfois d'angoissants cauchemars de champignons.
Aujourd’hui je me demande surtout quel jour de la semaine ça va tomber la fin du monde ? Est-ce que ce sera un lundi alors que tout le monde sera de mauvaise humeur (comme souvent le lundi), ou bien un mercredi alors que les enfants n’auront pas école, ou bien encore un samedi soir alors que la planète sera ivre morte (comme souvent le samedi soir) et trouvera jolis tous ces champignons dans le ciel en vomissant son morito malibu sur le parking du macumba club.
Il est étonnant qu’une grande partie de l’espèce humaine ait fait le choix de se regrouper dans la densité exagérée de grandes villes modernes, alors qu’au fond de lui, l’homme déteste la promiscuité et fait tout pour maximiser la distance qu’il met entre lui et ses congénères hormis dans quelques situation privilégiées sur lesquelles nous ne nous étendrons pas ici.
Quiconque voudra mesurer la force de cet instinct pourra se livrer aux expériences suivantes :
- venir s’installer à l’urinoir voisin du seul emplacement occupé dans une ligne de dix et observer la réaction de son voisin.
- se trouver dans un wagon de métro assez calme au moment ou celui-ci s’arrête à la station anvers et que 150 teenagers hollandais, massés sur le quai, décident de monter tous ensemble dans ce wagon afin de ne pas se perdre.
- aller manger chez hippopotamus, commencer par demander gentiment à la dame de la table de derrière de s’avancer légèrement pour que l’on puisse reculer un peu sa chaise afin de disposer de l’espace nécessaire pour s’asseoir, ensuite ne rien rater de la conversation de la table de droite et être capable d’attraper le sel se trouvant sur la table de gauche en tendant à peine le bras.
Ce qui est amusant c’est que malgré tout lorsque l’être humain pénètre dans un restaurant et que celui-ci est désert il rebrousse le plus souvent chemin.
Placebo featuring David Bowie - Without you I'm nothing
Dans la hiérarchie des mensonges, tout en bas de l’échelle, il y a le mensonge éhonté.
Le mensonge éhonté se pratique dès le plus jeune âge.
Par exemple, enfant, il m’arrivait de faire brûler des bougies quand j’étais seul à la maison (j’ai depuis toujours une fascination totale pour le feu).
Seulement voilà, à l’époque, jouer avec le feu m'était interdit, aussi lorsque j’entendais mes parents rentrer, je me dépêchais de camoufler d’un souffle les flammes de ma désobéissance.
A chaque fois trahi par l’odeur caractéristique de la bougie étouffée en catastrophe, ma stratégie était toujours la même : je niais obstinément l’évidence : non je n’avais pas fait brûler des bougies, et non je ne sentais rien de particulier.
Le mensonge éhonté peut également se pratiquer à l’âge adulte. Ainsi le dentiste vous prévient que ça va faire un peu mal et le chauffeur de taxi vous annonce que sa machine à carte bleue ne marche pas.
Etienne Daho - De bien jolies flammes
PS : les lecteurs les plus attentifs auront noté que ce billet ne comporte pas à proprement parler de chute. En fait j'en avais écrit une très chouette mais il se trouve que le papier sur lequel je l'avais notée a été mangé par la femme de ménage.