Cette semaine, il y avait les vœux du Président de la grande multinationale qui me possède.
Les vœux du président de la grande multinationale qui me possède (si vous êtes d’accord je la désignerai maintenant par « la Grande Multinationale ») est un événement annuel, se produisant le plus souvent chaque année et en général plutôt au début.
Ce pince fesse est un événement très attendu par la plupart des employés de la Grande Multinationale. C’est un exercice de style assez prévisible mais pour le moins intéressant pour qui aime la sociologie ou le champagne, ou les deux ce qui serait assez mon cas.
Dans la première partie de ce rassemblement de quelques milliers de personnes, tout le monde écoute religieusement le Président de la Grande Multinationale expliquer que les résultats de l’année ont été bons, qu’il ne faut pas avoir honte de se goinfrer non plus, mais que surtout il faut pas s’endormir car les résultats sont moins bons que s’ils étaient meilleurs (ce qu’ils devraient être).
Comme le Président de la Grande Multinationale n'est pas très à l'aise dans l'exercice du discours solitaire, les gourous de la communication de la Grande Multinationale ont eu l'idée d'embaucher une jeune journaliste (en général de LCI) pour servir la soupe et financer ainsi, en une petite heure, sa prochaine semaine de vacances aux Seychelles.
Suivent quelques questions en conserve vidéo d’employés visiblement ultra castés, dont la justesse de l’interprétation des questions préfabriquées n’a pas grand chose à envier à la prestation des lofteurs 1 dans la pub MMA ou au jeu des comediens d'une série d’AB production des années 80.
Questions elles-même suivies par quelques réponses sans surprise.
Le tout se termine par des bons vœux de santé et de réussite pour vous, votre famille, vos amis, votre concierge, votre chat, votre canari.
Au cours de cette première mi-temps, on peut distinguer deux grandes familles de spectateurs : Les employés sages et / ou intéressés qui boivent religieusement les paroles du Président de la Grande Multinationale, et puis les autres, ceux qui sont là pour la bouffe : eux n’écoutent pas, ils ont pris soin de se placer prés du rideau qui ne devrait pas tarder à s’ouvrir pour révéler une enfilade de buffet. D’où ils sont, ils ne voient même pas le Président de la Grande Multinationale, mais il s’en foutent car c’est la meilleure place pour être les premiers à atteindre les coupettes après le top départ. Ils connaissent les bons coins, ils étaient là l’année dernière et l’année d’avant aussi, ils se rappellent par cœur de la marque du champagne, ils ont noté année après année l’heure à laquelle est survenu ce drame que constitue la rupture de stock de champagne (tout le monde vous le dira une fête vraiment réussie est une fête dans laquelle le champagne ne manque jamais. Y’a rien de pire pour un pique assiette que de devoir se terminer au blanc qui râpe parce qu’on a radiné sur le budget champagne…)
A un moment donné, Le Président de la Grande Multinationale dit : « Je vous propose de nous retrouver autour du petite coupette pour le verre de l’amitié» (ne serait t'il pas plus rapide de faire référence à la coupette de l’amitié d’ailleurs ?). Une fraction de seconde plus tard, plus rien n’existe : il se produit quelquechose d'équivalent à ce qu’ont du vivre les gens à bord du titanic au moment ou ils se dirigeaient vers les canots de sauvetage ou encore les passager en route vers les toboggans de l’airbus 340 estivalement vautré à Toronto quelques minutes avant d’être dévoré par les flammes.
Dans cette deuxième mi-temps, le jeu consiste a engloutir un maximum de chtites cassolettes de crevettes dans un minimum de temps (c’est toujours ça que les actionnaires n’auront pas), alors même qu’il vous semble que la marée humaine autour de vous n’a d’autre but que de vous retarder dans cette mission…
Ce genre de raout peut être très ennuyeux si l’on ne prend pas soin de s’entourer de gens avec qui on a des atomes crochus, et accessoirement le même taux d’alcoolémie. Par contre si vous arrivez à cumuler ces deux critères, c’est vachement rigolo et c’est d'ailleurs ce que je m’attache à accomplir chaque année. Cette année j’ai donc vécu cette expérience avec un-bon-pote-à-moi-connu-sur-les-bancs-de-l’ecole-retrouvé-par-hasard-à–cette-même-fête-il-y-a-deux-ans et un mien collègue fort sympathique.
Par contre au milieu de 5000 personnes agripées à 5000 flûtes à champagne, il est difficile d’échapper aux mauvaises rencontres. La mauvaise rencontre c’est par exemple quand vous rencontrez une connaissance de seconde division (expression piquée à Vincent Delerm). C'est-à-dire une personne que vous connaissez de vue, à qui vous n’avez pas grand-chose à dire et qui vous le rend bien, mais qui est toute seule et voit en vous la plus accessible branche anti solitude disponible et s'y accroche désespérement (on a toujours l’air idiot quand on erre seul au milieu d’une foule immense). Vous êtes alors un peu tenu d’échanger deux trois banalités consternantes au point que vous vos dégoûtez presque au moment où vous les prononcez :
- Y’a plus de monde que l’an dernier non ?
- Vous étiez là pour le discours ?
- Tiens j’ai croisé machin, je crois qu’il est au bar à vodka…
Par chance, le gros avantage topologique que vous avez est qu’il est super facile de se faire disparaître quand on est au milieu de 5000 personnes, juste après avoir prononcé la formule magique « excusez moi je vais reprendre de la cassolette a plus tard, bonne soirée… ». D’ailleurs avec un peu d’anticipation et un petit virage virevolté à droite entre les canapés aux œufs de caille et les brochettes de petits boudins, on peut tout à fait éviter de faire ce genre de rencontre. Par contre ça demande pas mal de concentration (moins évident après quelques coupettes).
D’habitude dans les fêtes de la Grande Multinationale on s’amuse, mais pas jusque trop tard (en général extinction des feux vers 20 heures). Je ne sais pas si c’est les quelques milliards de bénéfices, mais cette année on dirait qu’on a décidé de se lâcher, puisque la fête continue jusque 22 heures 30 et on peu s'adonner à diverses attrations dont bar à oxygène, massages, et tatouages au henné.
Tatouages au henné ?
Les créatifs qui pondent ces concepts pour les Grandes Multinationales, prennent décidément beaucoup de drogue quand même. J'aime cependant bien l’idée que les employés ivres mort se fassent faire des tatouages débiles à des endroits débiles. J'aime bien l'idée qu'ils ne se rappellent plus de rien en se reveillant le lendemain matin, et que leur femme découvre leur nouveau tatoo au matin lendemain lorsqu’ils sortent de la salle de bain à moitié nus pour demander à leur femme où elle a mis leur chemise grise*.
J’aime bien aussi l’idée que revenus au bureau les collaborateurs degraffent devant la photocopieuse, qui une chemise, qui une jupette pour se montrer leur tatoo de la veille...
En même temps, c’est sympa cette histoire de tatoo ça permet de chaque année faire le constat que les tatoo étaient plus jolis l’année dernière (ça change des incontournables comparaisons sur le champagne).
Moi j’ai deux trois idées, des fois que la Grande Multinationale ait envie de se lâcher plus l’année prochaine pour sa fête annuelle : un stand de piercing (pour de vrai hein pas du piercing au hénné), et puis une soirée échangiste dont l’accès sera soumis à la connaissance du mot de passe « roudoudou ».
Maintenant j’ai plus qu’à me faire muter à la com et pousser cette idée…
* "Où est ma chemise grise" - paroles et musique : Patrick Topaloff et Sim