A Paris, le samedi en début d’après midi est un moment idéal pour faire ses courses alimentaires. Je ne sais pas pourquoi mais jusqu'à quinze heures trente environ (mes relevés sont formels) il n’y a quasi personne et cette corvée que constitue les courses du samedi est presque supportable. Samedi dernier en début d’après midi, je me trouvais donc au G20 du marché des Batignolles. Tout était parfaitement calme et à peu près désert et une caissière solitaire attendait le client en se limant les ongles (c’est une image car je ne suis pas certain que les caissières du G20 de Batignolles soient autorisées à se limer les ongles en cas de baisse d’activité).
Quand il y a très peu de monde, il y a en général très peu de caissières et il suffit que deux ou trois personnes arrivent à la caisse au même moment pour créer un embouteillage à la caisse.
C’est exactement ce qui s’est passé samedi dernier. Alors que j’étais sagement en train de faire la queue (action qui consiste à ne rien faire à un endroit donné puis à ne rien faire à un endroit un tout petit peu à coté et ainsi de suite…) raisonne juste derrière la voix d’un type visiblement excédé qui grogne :
« Ils pourraient pas mettre plus de caissières ces enculés de patrons de mes couilles ? »
Cette phrase, prononcée à ce moment précis, est intéressante à deux titres. D’abord parce qu’elle dénonce haut et fort cette tendance capitaliste à chercher la maximisation du profit en minimisant les coûts de personnel, ensuite car elle illustre un comportement humain toujours étonnant : parler tout seul.
Il arrive assez fréquemment que l’homme utilise sa capacité à utiliser le langage (que beaucoup de primates nous envient) sans pour autant poursuivre le but de communiquer avec ses congénères.
Le plus souvent le phénomène se produit dans les situations d’inconfort ou pour exprimer un mécontentement (comme dans l’exemple donné plus haut). Lorsque l'agacement est au plus haut il arrive que l'homme produise un soufflement qui n'a, lui non plus, aucune utilité physiologique....
Parfois aussi, l'homme parle tout seul pour se rassurer quand il a peur, pour se donner du courage avant une épreuve ou bien parce qu’il est en train d’étrenner son nouveau kit main libre blue tooth dans l’allée centrale du bus 31.
De façon surprenante, on a jamais observé un tigre, un panda ou même un dauphin parler tout seul. C’est sans doute parce qu’aucun de ces animaux ne s’est retrouvé dans l'unique file d’attente du G20 du marché des Batignolles un samedi après midi . A moins bien sur que ces conversations unilatérales animalières ne soient intervenues pendant la pause café des scientifiques qui se sont, à n’en pas douter, penchés sur le sujet, à l’aide de matériel onéreux acquis grâce à de généreuses subventions gouvernementales.