J’adore le dimanche au restaurant,quandil y a une mamie qui se bat avec son gendre pour régler l’addition du repas familial.
En général, la mamie sait que son gendre n’aime pas la laisser payer, aussi elle s’est préparée à cet affrontement. Elle s’est levée de très bonne heure pour aller retirer un gros billet à la caisse de retraite. Elle s’est placée à table à l’endroit stratégique, celui qui devrait lui permettre d’intercepter l’addition dès qu'elle arrivera (elle est venue repérer avec une copine la veille…).
Quand l’addition arrive enfin, elle se jette dessus telle une furie. Mais son gendre a été rapide lui aussi et a saisi l’autre bout du petit plateau dans lequel se trouve la note. Il s’en suit une épreuve assez physique, n’ayant pas grand-chose à envier aux meilleures épreuves de tir à la corde d’interville, très vite le ton monte. "ah non il n’en est pas question".
Et puis, la force physique du gendre surpasse rapidement celle de la mamie qui lâche prise et vient, dans son élan, s’écraser sur la banquette. Elle prend alors un moment pour retrouver ses esprits, prétend se rendre aux toilettes, avant de se jeter sur les épaules de son gendre dans le but de glisser le billet dans la poche de son costume en poussant des petits cris stridents.
Après avoir essuyé un nouvel échec, elle profitera d’un moment d’inattention de tout le monde pour placer le billet sous la casquette du petit dernier, plus facile à berner, qui pourra pendant des mois s’empifrer de fraises tagada grâce à ce pactole.
Je ne sais décidément pas pourquoi, avec l'âge, les gens sont de plus en plus véhéments quand on essaie de payer l’addition à leur place.
C’est inouï cette faculté qu’ont les chaussettes d’une même paire de se placer systématiquement loin l’une de l’autre dans le panier à linge.
Quand on y pense, ce phénomène est même assez inquiétant : si on considère que le lave-linge opère un mélange aléatoire quasi parfait, il devrait y avoir à peu près autant de chance de retrouver le deux chaussettes à coté l’une de l’autre que chacune à un bout du panier. Pourtant je n’ai pourtant jamais pu observer la proximité de deux chaussettes soeurs dans ce fichu panier.
De la même façon, lorsqu’on enregistre deux bagages en même temps à l’aéroport, ceux-ci n’apparaissent jamais au même moment sur le tapis roulant. C’est alors encore plus effrayant dans la mesure où il n’y a pas, dans ce cas là, d’action de mélange délibéré.
Ces deux phénomènes illustrent les lois de la thermodynamique qui indiquent que le monde laissé à lui-même préfère évoluer dans le sens du désordre le plus grand.
Ca serait pourtant chouette de vivre dans un monde inversé, un monde ou tout évoluerait spontanément vers l’ordre.
Dans un monde comme ça, les cartes routières se replieraient du premier coup.
Dans un monde comme ça, dans le métro le matin, il suffirait de secouer un peu le fil de l’écouteur de l’ipod pour que les nœuds se défassent.
Dans un monde comme ça, les cartes à jouer se remettraient dans l’ordre quand on les battrait, et on retrouverait instantanément ses chaussettes déjà pliées dans le panier à linge.
Il y a quelque chose d’épuisant dans la dernière semaine avant les vacances. De la fatigue accumulée pendant des mois, et puis ce truc toujours désagréable de voir au fil des semaines les autres partir en vacances en faisant le tour des bureaux le dernier jour.
Quand on était à l’école primaire, la dernière semaine avant les grandes vacances était synonyme de glande organisée. On passait des heures dans la cour de récréation, on avait le droit d’amener des jouets, on s'empifrait de gâteaux, bref on se mettait en roue libre en attendant que cette semaine passe.
Il est amusant de constater que dans les entreprises l’été, l’atmosphère rappelle par moment celle de l’école Paul Langevin à l'aube des grandes vacances.
Bien sur on n’amène pas ses jouets, on ne fait pas de gâteaux mais les récréations à la machine à café durent plus longtemps.
Parfois, le téléphone sonne, c’est en général un collègue rieur qui veut savoir à quelle heure vous allez déjeuner et qui trouve amusant de passer ce coup de fil du bureau du grand chef dont le nom apparaît donc sur votre téléphone (bonne blague d’été qui fait toujours son petit effet).
Je crois qu’on a vraiment besoin de ces palliers de décompression vers une oisiveté estivale reconstructrice.
Je me rappelle la première fois que j’ai rendu visite au bureau des loteries.
J’avais conservé quelques temps le billet dans mon portefeuille et profitant d'une journée de beau temps, je m’étais rendu là bas, non sans un petit pincement au coeur à l'idée des conséquences néfastes que pourrait avoir la possession d'un ticket perdant.
Le bureau des loteries est un endroit étonnant. On y croise pèle-mêle des gens qui viennent chercher un numéro et d'autres qui viennent pour savoir si leur numéro est gagnant. Certains sont seuls, d'autres en couple ou avec des amis. Tous s'efforcent de prendre l'air le plus détaché possible.
A certains moments, cet endroit ressemble un peu aux grilles d'un lycée sur lesquelles on a affiché les résultats du bac. Il y a ceux qui repartent en sautillant le coeur léger et les autres qui quittent l'endroit avec un air sombre ou des larmes dans les yeux.
Lorsque vint mon tour, mon numéro et moi, nous nous rendîmes dans un petit bureau (le lecteur notera au passage une maîtrise parfaite des mécanismes grammaticaux qui gouvernent la concordance des temps). Le préposé des loteries (le même que le jour du numéro) ouvrit un petit dossier dans lequel se trouvait le résultat de la loterie. Il me sourit et, le plus rapidement possible (sans doute pour calmer mon angoisse mal dissimulée), m'annonça que mon ticket était gagnant, que tout allait bien.
La minute d'après je retrouvais Paris le coeur léger en me disant que je n’aimais décidément pas trop les émotions que cette loterie là génère.
Il est des instruments de musique plus nobles que d’autres.
Ainsi la pratique du violon suscite à coup sûr l’admiration. Peut être à cause de la difficulté de l’apprentissage (notre culture judéo-chrétienne valorise toujours ce que l’on a obtenu dans la souffrance), de la beauté de l’instrument ou de l’image encore dans tous les esprits de la violoniste russe à la solde du KGB s’apprêtant à subtiliser le microfilm de l’agent 007 séduit la veille au soir dans la salle de bal du plus bel hôtel de Moscou.
Curieusement tous les instruments ne dégagent pas la même aura.
Ainsi la pratique du kazoo, de la guimbarde, des maracas ou de l’œuf avec du sable dedans qui fait chi chi chi n’a, contrairement à celle du saxophone, jamais permis à quiconque de ramener une fille à la maison.
Je me demande ce qui fait qu’on se décide au conservatoire à apprendre à jouer des cymbales ou du triangle plutôt que du violon ou du saxophone. Peut être le même mécanisme que celui qui pousse certains étudiants en médecine à s’orienter vers la proctologie.
Sont ils guidés par l’amour du son de l’instrument ? par la recherche d’un effort minimal ?
Ce qui est sur c'est que tout seul chez soi, il est beaucoup plus simple de s’exercer au violon qu'au maniement du gong.
Niagara - L'amour à la plage*
* Il me semble qu'on y entend l'un de ces instrument méprisés. Je ne sais pas trop si ce sont des maracas ou l'oeuf avec du sable dedans dont je ne connais pas le nom.
J’avais laissé l’ordinateur allumé ce matin. Quand je suis rentré, je me suis aperçu que Monsieur Chat avait écrit un billet pour mon blog.
Cela fait maintenant quelques jours que je suis en villégiature rue des Moines. C’est pas mal ici, il y a pleins de robinets auxquels on peut boire, plein d’éviers dans lesquels on peut se vautrer et un futon sur lequel on peut faire ses griffes.
C’est toujours rigolo les humains quand ils nous gardent pour une semaine, ils ont toujours peur qu’on manque de quelque chose, qu’on ait faim, qu’on ait soif, qu’on ne soit pas assez confortable. Du coup ils sont aux petits soins et moi j’en profite un peu : un miaulement me suffit à lui ordonner de faire couler l’eau au robinet afin que je puisse étancher ma soif. Parfois quand je m’ennuie je renverse l’eau de la gamelle avec ma patte (boire de l’eau dans une gamelle ? Ca va pas non, je suis pas un chat de gouttière, je suis un chat sophistiqué moi).
Le soir, quand j’ai fini de courir après les bouchons en plastique des bouteilles d’eau minérale, je me cale à l’endroit le plus agréable de la couette jusqu’à cinq heures du matin environ. Après je le reveilled’un miaulement, d’un coup de tête, d’un sprint dans le couloir, ou d’un ronronnement dans l’oreille. Une fois qu’il est parti au boulot, je grimpe me percher en haut de l’armoire la plus haute pour dormir une petite douzaine d’heure, parce que cette vie est épuisante quand même.
Certains comme Napoléon, Marie Curie ou Albert Einstein ont laissé une trace dans l’histoire en leur nom propre. D’autres, peut-être moins brillants ou moins pistonnés ont dû hypothéquer une partie de leur notoriété à travers l’accolage d’un patronyme étranger au leur dans une même trace.
Ainsi Roux et Combalusier, Igor et Grichka Bogdanoff, Lagarde et Michard, Tourte et Petitin*, Jean Philippe Audin et Diégo Modena ont-ils été condamnés à partager à jamais leur notoriété.
On note au passage qu’en général l’ordre des noms est fixe et qu’il ne viendrait à personne l’idée de les inverser.
Mais au fait selon quelle règle s’attribue la première place, celle dont tout le monde se souvient ? Est-ce que celui dont le nom vient en second et est souvent remplacé par "machin" dans les conversations est celui qui a été le moins méritant dans l'élaboration de l’œuvre collective ?
Et puis quand on se fâche, ça doit être pénible à force de ne pas pouvoir se défaire du nom de l’autre.
La notoriété bicéphale, permet par contre aisément de se faire passer pour l’autre quand on est reconnu, ce qui est toujours distrayant, je pense.
Stone et Charden - Le prix des alumettes
* Les lecteurs les plus attentifs s’interrogeront sur la raison pour laquelle je fais, pour la seconde fois ici, référence aux Etablissements Tourte et Petitin. Certains y verront peut être l’expression d’une névrose monomaniaque rampante mais il n'en est rien. En fait, je me suis simplement aperçu que le référencement de l’expression "Tourte et Petitin" dans les moteurs de recherche génère un traffic impressionnant. De façon surprenante ce n'est par contre pas le cas de l’expression "Harry Potter nu" sournoisement glissée dans un billet récent dont j’espérais secrètement qu’elle générât un traffic plus important encore.
Force est de constater l’échec de ce dernier stratagème n’ayant d’autre but que celui de satisfaire mon égo par le harponnage malhonnête de quelques lecteurs supplémentaires.
J’ai en ce moment en pension Monsieur Chat. Monsieur Chat c’est le chat de Monsieur Type et de Mademoiselle Type. Ses maîtres sont partis chercher un peu de dépaysement, Monsieur Chat a quant à lui pris ses quartiers d’été dans la rue des Moines.
Ce qui est amusant avec les chats c’est qu’ils sont souvent prévisibles mais toujours surprenants.
Le premier jour, Monsieur Chat avait été drogué afin qu’il ne se rende pas trop compte de son enlèvement. Il est sorti de son panier les yeux exorbités avec une démarche de junky avant d’inspecter méthodiquement chaque recoin de l’appart avec une attirance certaine pour les endroits élevés et / ou inaccessible et / ou pleins de poussière et une nette préférence pour les recoins combinant ces trois caractéristiques.
Le deuxième jour, Monsieur Chat avait récupéré ses esprits mais affichait une certaine timidité qu’il a exprimé en passant la journée entière sous le meuble de la cuisine là où rien ni personne ne peut l’atteindre.
Depuis le troisième jour, Monsieur Chat a trouvé toutes ses marques : il a ses recoins préféré, ne marque plus de temps d’arrêt entre le sprint dans le salon et le bond vers le dessus du meuble de cuisine (celui qui est à 2.50 m du sol), ne boit l’eau que de l’eau qui s’écoule (en général il vous demande gentiment d’ouvrir le robinet) ou allume la radio d'un coup de patte à deux heures du matin.
Si ça continue comme ça, je pense que bientôt, il va faire changer la serrure de l’appart et mettre son nom sur la boite aux lettres.
Je rentre des Amériques. A chaque fois que vais là bas, je suis toujours frappé par cette obsession que semblent avoir les Américains que tout dans leur pays soit pratique.
Force est de reconnaître qu’ils ont un certain succès dans cette entreprise : aux Amériques on peut faire ses courses le dimanche ou bien au milieu de la nuit, ont peut déposer un chèque à sa banque sans sortir de sa voiture, regarder la télé en faisant son jogging ou bien manger des wings tout en reluquant des filles aux formes généreuses, mises en valeur par un t-shirt trop petit de deux tailles (voir illustration).
L’un de mes petits plaisirs quand je suis là bas et que je me trouve dans un avion consiste à me plonger dans la lecture du magazine Skymall. En gros il s’agit d’un catalogue de vente par correspondance, que l’on trouve dans les avions de toutes les compagnies américaines, permettant de se procurer tout un tas d’objet étonnants qu’on ne peut trouver nulle part ailleurs. Ils ont en commun de simplifier la vie ou d’être parfaitement inutiles.
Dans le numéro de l’été 2007 on trouvera par exemple :
Page 9 : un espèce de goupillon rotatif pour nettoyer les grilles de barbecue (30 dollars)
Page 10 : la baguette d’Harry Potter (référence nu 7055G - 29 dollars 50)
Page 27 : deux machines indispensables, l’une dans laquelle on met en vrac ses pièces de monnaie qui les compte le trie et les sépare (179 dollars quand même) et une autre qui compte les billets (299 dollars)
Page 49 : un truc qui ressemble à un grille pain mais qui est en fait une machine à confectionner les hot-dogs qui comporte des emplacements calibrés adaptés au réchauffage des saucisses (49 dollars 95)
Page 61 : un support de gamelle pour chien qui permet à Médor de manger ses croquettes sans se baisser. "Il permet au chien de se nourrir à une hauteur optimale, minimisant les gaz et améliorant la digestion. Ce système permet en outre de réduire les contraintes sur les os, les articulation et les muscles, ce qui est idéal pour les chiens avec de l’arthrose ou des problèmes de hanche" (29 dollars 99 seulement)
Page 105 : un ustensile permettant de marquer au fer rouge ses initiales sur les steaks quand on fait du barbecue (89 dollars 95, 99 dollars 95 avec sa boite cadeau).
Parfois je me demande si les américains ne sont pas allés un peu loin dans la société de consommation.
Mon passeport et moi on vient de traverser l’océan Atlantique par deux fois.
C’est un passeport encore tout jeune, il n’a même pas quatre ans, mais il a vu du pays déjà. Parfois quand je m’ennuie dans la file d’attente de l’immigration, je compte les coups de tampons apposées à travers la monde par des agent gouvernementaux assermentés plus ou moins zélés. Le score du jour est donc USA twelve points, Japan eight points, Korea six points, China two points, Vietnam one point, Malaysia one point.
En Asie, on note une application dévouée et la recherche d’une certaine harmonie par l’alignement du cadre du tampon avec le bord de la page. Aux Etats-Unis, en revanche, on tamponne le plus souvent la page centrale du passeport et celà avec une négligence absolue quant à l’orientation du timbre, sa position, ou le fait qu’il puisse recouvrir une marque de tampon déjà existante, traduisant ainsi la pensée de l’agent des douanes et à travers lui celle de la nation américaine tout entière : "On tamponne les passeports n’importe comment, on s’en fout,on est la première puissance mondiale, AH AH AH AH AH AH AH"
Mais au fait, quand on passe huit heures par jour à tamponner des passeports, qu’est ce qui peut bien conduire à éprouver la satisfaction du travail bien fait ? Arriver à déchirer en un temps record la petite feuille verte ? Refuser l’entrée à un terroriste particulièrement recherché ?
Et puis si on fait bien son boulot, quelles sont les possibilités de promotion ? Est-ce qu’on peut devenir instructeur et enseigner alors aux jeunes recrues comment manier le tampon avec élégance ou bien peut on accéder à une promotion interne et briguer le poste de "masterliner", l’agent chef qui a le pouvoir absolu d’ouvrir et de fermer les files, et de renvoyer en toute impunité au bout de la queue tout voyageur qui aura pris l’initiative de changer de file sans qu’on lui en donne l’ordre ?