Au moment où j’écris ces lignes, je viens d’arriver à l’aéroport de San Francisco.
Il y a seize heures, un réveil qui sonne à une heure inhabituelle pour un dimanche. Il fait nuit encore, on n'est pas tellement habitué à ce qu’il fasse nuit quand on se réveille un dimanche au mois d’août.
Il y a quinze heures, un taxi dans Paris deux fois désert, désert comme un dimanche matin tôt et désert comme Paris au mois d’août.
Il y a quatorze heures, une heure perdue à l’aéroport, à cause d’un sac de sport oublié devant la porte 6 du terminal 2C. Sac bientôt vaporisé par les services de police. J’aime ces instants tellement surréalistes : un aérogare tout vide, une rangée de militaires le Famas à la main qui barrent le passage et malgré tout toujours des passagers pressés tout surpris qu’on les arrête dans leur course ? Je crois qu’il y a des moments où le cerveau humain perd toute capacité à raisonner avec logique. Un peu comme lorsque l’on croit apercevoir une place de stationnement idéale à Montparnasse un samedi soir que la voiture de devant donne l'impression d'avoir raté, cette place dont on découvrir un peu plus tard avec dépit qu'elle se trouve devant une magnifique sortie de parking.
Il y a douze heures, joie intense en découvrant qu’il y a enfin de la place dans les coffres à bagages des avions. Un raisonnement rapide conduit à penser que ce sont les dentifrices et les gels douche qui prenaient toute la place.
Il y a dix heures, un déjeuner : foie gras à 950 km / h, gâteau au chocolat subsonique improbable, puis stilnox qui arrivera à me convaincre contre toutes les évidences que nous sommes finalement la nuit.
Il y a deux heures, un autre déjeuner et je me dis que peut être on pourrait continuer comme ça tout droit, qu’il ne ferait plus jamais nuit, qu’on pourrait m’amener un déjeuner toutes les 8 heures et que je trouverais ça normal.
Il y a une heure, joie intense de nouveau en constatant que maintenant que les produits cosmétiques sont interdits il n’y a plus la queue devant les toilettes au début de la descente. On ne risque plus de se faire doubler par cette vieille blonde au vanity case Vuitton qui s’engouffre dans les toilettes et entame un long ravalement de façade pouvant hypothéquer vos chances d’avoir le temps de faire votre petit pipi d’avant l’atterrissage avant que la consigne lumineuse vous intime de rattacher votre ceinture et de rester tranquille.
Dans 2 heures, un autre avion (pour Portland, Oregon).
San Francisco ne me verra pas aujourd’hui. Dommage, je serais bien resté un peu ici, je garde un bon souvenir de cette ville, tellement européenne, tellement penchée, comme si elle avait été construite sur une boîte d’œuf.
Dans 5 heures j’arriverai à l’hôtel, sans doute il pleuvra, il pleut toujours à Portland.
On sera toujours un peu dimanche, un dimanche qui aura duré 33 heures.
Ca fait long 33 heures pour un dimanche.