L’autre jour à la pharmacie il y avait avant moi un vieux monsieur qui était en train de raconter à la pharmacienne à quel point il avait mal au dos, à quel point il n’arrivait pas à s’asseoir, a quel point il avait eu du mal à avoir un rendez vous avec le rhumatologue, parce que vous savez les rhumatologues ils ont un cabinet en ville et ils consultent aussi à l’hôpital, mais dans leur cabinet c’est plus cher hein mais à l’hôpital il faut attendre longtemps. Il était bien ce rhumatologue il m’a opéré en urgence, rapport que je pouvais plus marcher ni rien, et après l’opération ça me lançait comme c’était pas possible…
Au bout de dix minutes j’ai eu un peu comme de la compassion pour la pharmacienne, dont ça doit être le quotidien d’écouter le bulletin de santé version longue des petits vieux du quartier. Sans doute des fois, elle leur dirait bien qu’elle s’en tape de leurs bobos, de leurs glaires, de leurs vertiges, de leurs jambes qui les lancent tellement, mais bon il faut fidéliser le client pour optimiser le chiffre d'affaire et financer ainsi les prochaines vacances à Saint Barth. Donc elle pense à autre chose la pharmacienne, elle attend sagement que ça se passe en hochant de la tête, elle regarde les lèvres qui bougent mais en vrai elle est plus là, ce soir elle ne se rappellera plus rien de cette biopsie du poumon ou de cette réduction de fracture du col du fémur dont on est en train de lui raconter tous les détails.
Nous avons tous dans notre entourage des gens qui ont deux tares assez complémentaires : l’une de raconter des trucs dont tout le monde se branle et l’autre ne pas s’apercevoir que cela constitue une torture pour leurs interlocuteurs. Ces gens incapables de décoder ces signaux subtils que nous émettons quand l’ennui nous envahit : bâillements, regardage de montre, regard à droite à gauche, soupir, voire dans les cas extrêmes, limage d’ongle, écoutage de son ipod ou fuite en courant…
Je me rappelle un type il y a quelques années au boulot qui était spécialiste pour trouver des sujets de conversation qui m’indifféraient et ne pas s’en rendre compte.
Dialogue type de la période :
Lui : Vous vous intéressez au foot ?
Moi : Ah bah non alors pas du tout du tout
Un temps
Lui : Vraiment un beau match hier, et puis cette occasion à la vingt quatrième minute, de toute beauté etc etc etc …
Une fois, je crois bien avoir essayé de mettre un terme à la conversation en allant aux toilettes (en général ce genre de stratagème est assez efficace). Et bien non il m’a suivi aux toilettes pour finir notre conversation (enfin plutôt sa conversation à lui…).
Parfois, j’ai aussi de la compassion pour la pharmacienne de ce type.