Au départ, il y a souvent un taxi grognon dans le matin parisien dont la machine à carte bleue est en panne (marrant à quel point c’est pas fiable les machines à carte bleue des taxis parisiens). Dans ce taxi on file à travers Paris, on regarde les gens qui grouillent sur l’avenue de Clichy, on observe les cageots de fruits et légumes qui se mettent en place à l'étal des primeurs, on regarde les kebabs tourner sous les néons avec déjà cette impression d’être spectateur de la ville, déjà un peu d'être en dehors du temps et de l’espace.
Après c’est le periph, le cimetière de montmarte, puis l’autoroute.
J’aime bien voir défiler la ville devant les vitres du taxi, affalé au matin.
Ensuite c’est l’arrivée à l’aéroport, juste avant, à droite le concorde, trop tôt cloué au sol, à jamais, puis l’aérogare, la machine à carte bleue qui ne marche pas, la petite fiche s’il vous plait et très vite le terminal aux lignes pures, métalliques.
Après avoir accompli deux ou trois formalités, on se retrouve au salon. Le salon est cet endroit parallèle aménagé pour les gens dont c’est le travail de voyager, afin de les isoler un peu du vacarme ordinaire des voyageurs ordinaires et leur permettre de s’affaler dans des canapés confortables, de lire des journaux, de boire, de manger, de bosser, de baver sur les collègues, sans être dérangés par ce groupe de 80 voyageurs frams en partance pour un hôtel club tropical.
J’aime bien observer l’atmosphère des salons, hommes pressés, souvent bedonnants, souvent fatigués, souvent ronchons qui continuent entre deux avions cette grande partie de monopoly planétaire.
Puis viennent d’autres formalités, un fauteuil confortable, une coupe de champagne puis l’envolage. L’envolage c’est un moment effrayant mais que j’aime bien : l’arrivée en bout de la piste, le petit temps mort, le rugissement des moteurs, cette impression d’être au bout de l’élastique de catapulte qui se tend, puis le lâcher des freins, l’accélération foudroyante incarnant le moment le plus dangereux de l’exercice.
Après tout est facile
En haut il n’y a plus de temps, plus d’espace, ça peut être la nuit si on ferme les hublots, ça peut être le jour si on le décide, il n’y a plus de lien logique entre les informations qui proviennent de l’extérieur, de votre montre ou de votre corps.