Je suis souvent surpris au moment de Noël de la frénésie avec laquelle les employées des Galeries Lafayette s’escriment à retirer le prix des articles avant de les emballer avec maladresse et sans enthousiasme dans de jolis paquets cadeaux.
Je me suis souvent demandé d’où venait cette coutume un peu dérisoire de faire disparaître à tout prix celui d’un objet que l’on s’apprête à offrir.
L’arrachage du coût d’un futur cadeau est dans l'esprit de chacun un truc imparable : bien malin celui qui arrivera à deviner l’ordre de grandeur du prix d’un cd ou d’un dvd une fois qu’on en aura retiré l’étiquette blanche et verte.
Certaines personnes dérogent parfois à cette règle. Ainsi le mari offrant a sa femme une jolie bague lui glissera parfois un "tu vois ma chérie, elle m’a vraiment coûté la peau du cul ta bague" et ne tardera pas à se prendre une gifle. Pourtant, si le même mari rapporte la même bague à la même femme et accompagne ce cadeau d’un "elle m’a vraiment pas coûté cher du tout cette bague ma chérie, une vraie affaire" il se prendra également un baffe.
Notre culture judéo-chrétienne est ainsi : on ne dit pas le prix des choses qu’on offre. Pourtant à quelques milliers de kilomètres d'ici, au Japon, s'esbaudir devant un cadeau en s’émerveillant de ce qu’il coûte sans doute beaucoup d’argent est un comportement poli. Ceci est d’autant plus étonnant que le plus souvent cette remarque est faite sans déballer le cadeau, car au japon il est déplacé d’ouvrir son cadeau devant celui qui vous l’a offert.
Le Japon est décidément un pays bien étrange.
Benjamin Biolay - Qu'est ce que ça peut faire