Il est étonnant de constater que l’humanité a traversé un certain nombre de périodes pendant lesquelles on pouvait, à peu près impunément, trucider son prochain. Il y a eu le far west où l’on pouvait régler un petit différent à coût de 22 long rifle devant le saloon, mais aussi plus près de nous la quasi certitude d’être acquitté d’un meurtre en plaidant le crime passionnel ou bien la pratique du duel.
L’autre jour alors que je me trouvais dans un train de banlieue exagérément bondé, je me demandais combien de meurtres on commettrait chaque jour dans une société qui ne punirait pas l’homicide.
On commencerait sans doute par éliminer de la surface de la planète, ces voyageurs qui encombrent le wagon dans lequel on aimerait bien rentrer puis un peu plus tard ces autres voyageurs qui à la station suivante semblent avoir pour projet de monter dans le wagon alors qu’on voit bien que c’est plein.
Le samedi, on abrégerait l’existence de ces petites vieilles qui avec leur caddie encombrent les rayons du G20 du marché des Batignolles alors qu’elles ont toute la semaine pour faire leurs courses sans gêner les honnêtes gens.
Puis viendrait le tour de ce voisin trop bruyant ou trop moche ou bien de ce collègue de bureau râleur.
Très vite on se mettrait à tuer par intérêt, par exemple dans le but de prendre possession de cette chemise improbable sur le corps encore chaud de ce passant croisé dans la rue.
Parfois on tuerait par ennui ou bien juste pour vérifier que son 357 magnum ne s’est pas enrayé.
Au moment où je suis sorti de ce train de banlieue exagérément bondé, j’ai par mégarde piétiné le pied d’une grosse dame. C’est à ce moment précis que je me suis dit que je ne regrettais finalement pas de vivre dans une société où le meurtre est puni d’une peine de prison pouvant aller jusqu'à 30 ans.
Etienne Daho - Dommage que tu sois mort