Depuis quelques mois, je prends le train pour aller bosser, un petit train qui a le bon goût de passer au cœur des Batignolles et pas très loin de l’endroit où je travaille.
Ce qu’il y a de bien avec ce petit train, c’est qu’il y a toujours de la place pour s'asseoir, et qu’on peut y voir, l’hiver, de chouettes levers de soleil sur downtown la défense (on peut les voir aussi l’été mais cela implique de se lever plus tôt).
Ce qu’il y a de moins bien avec ce petit train, c’est que l’heure de passage des rames se corrèle moyennement bien avec les horaires affichés, que certaines rames semblent se dématérialiser une à deux minutes avant leur heure théorique d’entrée en gare et que quand il pleut, choisir d’attendre dans la zone abritée du quai conduit immanquablement à se retrouver dans un wagon bondé.
L’autre jour, le train qui est entré en gare était plongé dans l’obscurité.
J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un train vide en route (en rail ?) pour le garage. Ce genre de train qui passe sans s'arréter. Celui qui vous met de mauvaise humeur, quand il est déjà trop tard et qu'à cette heure ci, il ne restera plus chez le boulanger qu’un vieux pain de campagne tranché enfermé depuis le matin dans un sac plastique dans le but de parfaire son ramollissement.
Comme ce train presque fantôme s’est finalement arrêté et qu’il y avait des gens dedans, je m’y suis installé dans la pénombre, mon pod vissé aux oreilles pour un petit moment de bonheur absolu.
C'était comme l’autoroute la nuit, comme le cockpit d’un avion dans l'obscurité, comme un souvenir de train de nuit enfant.
Quand le train a fini par arriver à Pont Cardinet, Montmartre était rouge des reflets du soleil couché.
Derrière les fenêtres des immeubles Haussmaniens du boulevard Pereire, on devinait les enfants en pyjamas mangeant leur soupe.
Benjamin Biolay - De beaux souvenirs